Une des dernières notes de France Stratégie considère que les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont le « fer de lance de l’économie française depuis trente ans ». Pour Clément Beaune, Commissaire général de France Stratégie et haut-commissaire au Plan, « La France s’est ETIsée ». Une dynamique qui pourrait vite s’arrêter car il appelle l’État à s’en mêler.
Un examen un peu détaillé des entreprises françaises fournit de très intéressantes indications. Rappelons en préambule ces données de base : les PME sont les entreprises de petite et moyenne taille employant de 20 à 249 salariés ; les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, de 250 à 4 999 salariés ; les grandes entreprises emploient 5 000 personnes ou plus. Toutes les statistiques suivantes concernent, sauf indication contraire, les années allant de 1994 à 2022 en France.
Une belle croissance des ETI
Durant cette période de presque 30 ans, le nombre d’ETI a augmenté de… 57% ! ( passant de 2 777à 4 363 unités) ; celui des PME, de 7,6% seulement (de 119 980 à 129 065 unités) ; celui des grandes entreprises, de 69% (de 118 à 199 unités).
La répartition de l’emploi salarié reflète peu ou prou cette évolution, du moins en ce qui concerne les PME et les ETI. Au total, le nombre de salariés français a progressé de 28%, passant de 8,9 millions à 11,4 millions. Dans les PME, l’augmentation a été bien plus faible : 9,2% (de 3,69 à 4,03 millions de personnes) ; dans les ETI, la hausse a été de 59% (de 2,17 million à 3,44 millions) ; les effectifs des grandes entreprises ont, eux, connu une croissance de très peu supérieure à la moyenne (28,7%).
Dans le même temps, la part des PME dans la valeur ajoutée a diminué de 35% à 29%, celle des ETI a progressé de 25 à 33%, celle des grandes entreprises est restée stable.
Évolution de la contribution des PME, des ETI et des grandes entreprises à la valeur ajoutée et à l’emploi (1994-2022)
Les ETI se distinguent donc des PME par une bien plus grande progression en nombre et créations d’emploi. Elles se démarquent aussi, des PME comme des grandes entreprises, par une croissance légèrement supérieure de leur productivité et de leur intensité capitalistique. Toujours durant la période considérée, entre 1994 et 2022, leur productivité a augmenté de 38,2%, passant de 58 450 € à 80 760 € par salarié, avec un taux de croissance annuel moyen de 1,16 %. Cette montée en puissance leur a permis de réduire progressivement l’écart avec les grandes entreprises, dont la productivité a progressé plus modestement de 23,6%, soit un taux de croissance annuel moyen de 0,76%. À l’inverse, l’écart s’est creusé avec les PME, dont la progression annuelle moyenne a été de 0,78%. Même dynamique pour l’intensité capitalistique – c’est-à-dire l’investissement en capital par salarié : elle s’est intensifiée pour toutes les catégories, ce qui traduit un renforcement des investissements en capital au fil du temps. Son taux de croissance annuel moyen est de 5,15% pour les ETI, de 5,08% pour les grandes entreprises et de 4,66% pour les PME.
Un rempart contre la désindustrialisation
Si l’on regarde maintenant les chiffres par secteur, on remarque que les ETI ont bien résisté à la désindustrialisation. Leur nombre est resté stable dans l’industrie (t de 1 261 à 1 275 unités), leur part dans l’emploi de ce secteur est passée de 34% à 42%, tandis que les PME perdaient plus de 400 000 emplois (et un tiers de leur nombre). Pour France Stratégie, « La désindustrialisation a particulièrement fragilisé les PME, tandis que les ETI ont su faire preuve de résilience en maintenant, voire en renforçant leur place dans l’industrie française ».
Dans les services, le dynamisme des ETI n’a pas été moindre : leur nombre a crû de 108% (de 1 356 à 2 824 unités celui des grandes entreprises a presque doublé alors que celui des PME se contentait de 25%. Les effectifs ont été multipliés par deux dans les ETI, ils ont grandi de 44% dans les grandes entreprises et seulement de 18% dans les PME.
On remarque aussi un renouvellement constant du tissu entrepreneurial puisque, chaque année, entre 6% et 14% des ETI entrent dans cette catégorie (ce principalement d’anciennes PME) et 4% à 11% en sortent (le plus souvent pour redevenir des PME). Par conséquent, si « la sortie du statut d’ETI est souvent synonyme de déclin, se traduisant par une transition vers le statut de PME », il convient de souligner que le taux d’entrée dans cette catégorie dépasse quasi systématiquement le taux de sortie, confirmant la dynamique de croissance des ETI soulignée précédemment.
Parmi les ETI de 2022, 68% l’étaient déjà en 2017 et 55% en 2012. Les 45% restantes proviennent d’autres catégories : 29% étaient des PME, 5% des TPE et 9% sont de nouvelles créations. Des données qui montrent que le paysage des ETI est en perpétuelle évolution.
Ce portrait des entreprises de taille intermédiaire montre clairement qu’elles « jouent un rôle central dans l’économie française » et qu’elles en sont un des principaux piliers combinant croissance soutenue, création d’emplois et contribution croissante à la richesse nationale. Elles sont finalement « plus productives et plus résilientes face aux crises » que les PME qui ont vu, ces trente dernières années, leur poids reculer.
Faut-il aider les PME et les ETI à se développer ?
Cependant, ne crions pas cocorico trop vite. La croissance du nombre d’ETI depuis 1994 laisse encore la France loin derrière ses principaux voisins, que ce soit l’Italie qui en compte environ 8 000, le Royaume-Uni (10 000) ou l’Allemagne (12 500).
Pour le commissaire général de France Stratégie, Clément Beaune, il ne faudrait pas « chercher à combler mécaniquement » cet écart avec nos voisins, mais plutôt à « pérenniser » la dynamique qui a été enclenchée depuis 30 ans. Comment ? En encourageant et en accompagnant « les PME en forte croissance pour qu’elles franchissent le cap et deviennent des ETI ». De même, il conviendrait de « favoriser la création d’un plus grand nombre de PME afin d’augmenter les chances d’en voir émerger davantage à terme ». Enfin la note de France Stratégie recommande d’accompagner spécifiquement les nouvelles ETI « pour sécuriser leur trajectoire de croissance et prévenir un retour au statut de PME ».
Autant nous adhérons à l’idée que les dirigeants de PME et d’ETI puissent se faire conseiller, notamment par leurs organisations professionnelles, autant nous redoutons que l’accompagnement, en particulier financier, puisse être le fait de l’État.
Les entreprises françaises, PME comme ETI, TPE comme grands groupes, n’ont pas besoin de l’aide des pouvoirs publics. Elles ont simplement besoin de moins d’impôts et de réglementations, en un mot de plus de liberté pour croître, investir et embaucher.
5 commentaires
L’ensemble des données ne servent à rien si ce n’est justifié le commissaire aux plans, seules les 3 dernières lignes sont interessantes, mais Clea habille.
Une explication majeure de cette faiblesse des PME à devenir ETI est simple: les syndicats politisés et surtout le fameux seuil des 50 salariés à partir duquel la PME est fragilisée, contrôlée, fliquée, envahie par les normes élaborées dans les fameuses réunions des partenaires sociaux autrement dit les rencontres entre Medef et CGT.
Les ETI et le CAC40 arrivent à s’arranger avec la vérole syndicale mais les PME n’ont ni les moyens ni l’envie de passer le cap. Au mieux ces patrons ouvrent une deuxième PME pour éviter la misère!
Les Politiques quant à eux se couchent car n’osent pas affronter ces syndicats qui ne représentent qu’eux-même.
La dynamique entrepreneuriale est forcément handicapée par cette logique exclusivement française avec son code de travail de plus de 3000 pages.
Ce pays n’avancera pas tant que ces verrous n’auront pas sauté….
Bien sûr il faut soutenir les ETI, mais surtout pas les emm….. avec les syndicats.
Ceci est approximativement exact, mais pas totalement je recommande de lire les travaux d’EconomiX sur les ETI : il faut tenir compte des dynamiques : les ETI sont pour la plupart des agrégats de PME qu’une plus compétitive que d’autres a rachetées. Si l’on regarde l’ETI en tant que telle, en effet son emploi, et son commerce extérieur, croissent plus vite que le reste des entreprises. Si l’on regarde les effets des restructurations effectuées, en solde global pour l’emploi, c’est moins net. De même il faut regarder ce qui entre dans la catégorie “ETI” au sens statistique français : il y a les PME qui grossissent, bien sûr, et c’est tant mieux. Et aussi quelques ex grandes entreprises qui perdent en effectifs et deviennent des ETI… Tout cela n’est pas visible au premier regard dans les statistiques, il faut regarder les dynamiques de près. Quand on le fait, on a tout de même globalement intérêt à se préoccuper de la croissance des ETI, mais les moyens pour ce faire dépendent des métiers.
Un dernier commentaire : jusqu’au moment où l’Etat a enfin reconnu le statut d’ETI elles étaient sauf exception un non-sujet de politique économique, et de fait des victimes désignées de la fiscalité : l’Etat ne pressure pas énormément les très petites entreprises : c’est peu rentable, coûteux en moyens, et très coûteux en impopularité et en nombre de voix d’électeurs. Pour les très grandes entreprises, elles peuvent “voter avec leurs pieds” au moins pour leurs investissements futurs et où l’intensité en emplois. Les moyennes se délocalisent beaucoup plus modérément, et donc étaient les vaches à lait naturelles du fisc. C’est moins le cas depuis 2008. Ceci en termes relatifs, étant entendu que la fiscalité de production reste, de toutes façons, trop élevée.
Merci pour ces précisions très intéressantes.