Tous les jeunes ou presque obtiennent le baccalauréat aujourd’hui au nom de l’« égalitarisme républicain », avec des conséquences délétères sur l’enseignement supérieur.
Le baccalauréat cru 2025 est en cours avec plus de 720.000 candidats. On n’en connaît pas véritablement le coût. Il y a douze ans, un syndicat d’enseignants jetait un pavé dans la mare en multipliant par 15 ou par 30 les estimations courantes avec un montant total de 1,5 milliard d’euros par an, en incluant les conséquences financières des trois semaines de cours perdues pendant le mois de juin. Le ministère de l’Education nationale chiffrait l’ensemble à 50 millions d’euros mais des rapports de l’Inspection générale du ministère l’évaluaient plutôt à 100 millions (Le Monde, 10 juin 2013). Le Midi Libre (16 juin 2025) vient de reprendre ces divers chiffres, aboutissant à un coût de 90 à 150 euros par candidat, suivant les académies, pour les seules dépenses d’organisation. Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Le baccalauréat et la « volonté progressiste »
Une rupture dans la très longue histoire de ce diplôme s’est produite en 1985 lorsque Jean-Pierre Chevènement était ministre de l’Education nationale. Dans son blog, sous le titre de l’« exigence républicaine » (19 juin 2009), il rappelait que, contrairement aux interprétations courantes, il n’avait pas été inspiré par le seul Japon dont, dans une lettre aux enseignants datée de septembre 1984, il disait admirer « le haut niveau de formation et de qualification atteint par son peuple, son appétit de savoir et sa capacité à se mettre à l’école des autres. » mais par les exemples de nombreux pays industrialisés. L’idée était qu’il fallait fixer un objectif de 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat (ce qui ne signifiait pas forcément, dans l’esprit du ministre, obtenir le diplôme). « L’augmentation du flux de lycéens de 1984 à 1995 a résulté d’une volonté politique progressiste », poursuivait-il.
Dernièrement, plusieurs de nos quotidiens se sont demandé quel était encore l’enjeu ou la valeur du baccalauréat (Le Parisien, 16 juin 2025 ; Ouest France, 16 juin 2025). Avec les dernières réformes, il reste une quasi-nécessité pour accéder à l’enseignement supérieur, mais le contrôle continu depuis 2019 et la procédure de Parcoursup ont achevé de le démonétiser.
Les taux de réussite frisent le ridicule, à moins de considérer que les jeunes générations sont peuplées de génies, d’autant plus lorsque l’on connaît les chiffres des mentions littéralement données. En 2024, le taux de réussite a atteint au total 91,2 % et même 95,9 % pour la voie générale. C’est une hausse de plus de 20 points depuis 1995. Durant la même période, le taux des mentions toutes filières confondues a explosé en gagnant 26 points, soit 58,8 % des bacheliers l’année dernière. Un bac mention très bien sinon rien ! Les plus hautes mentions servent d’ailleurs souvent à obtenir des avantages bancaires et diverses aides de la part de notre État nounou, déclinées au niveau départemental ou régional…
Les conséquences de cette dévaluation sur l’enseignement supérieur
Ce que nos petits égalitaristes de l’Education nationale et nos hommes politiques (de gauche pour la plupart, mais pas toujours…) n’avaient peut-être pas anticipé, c’est que l’écrémage qui n’a pas été fait pour l’essentiel aux niveaux primaire et secondaire, a été reporté au niveau supérieur. Car, ne leur déplaise, tout le monde n’a pas le niveau intellectuel requis pour être licencié en économie ou docteur en médecine.
On trouve un indicateur intéressant dans les pourcentages de réussite des étudiants (nous nous en tiendrons à l’université). Quelques chiffres significatifs, même s’ils datent un peu : en 2019, il était de39,6% pour une licence en trois ans après un bac général (tombé à 29,5% en 2020). Après un bac technologique ou un professionnel, seuls, respectivement, 10, 9% et 4,9% des étudiants ont achevé leur cursus.
L’Etudiant (6 mars 2025) se demandait benoîtement si les taux d’échec n’étaient pas dus à « l’orientation » qui aurait été mal faite (ce qui peut être exact dans certains cas). Il mentionne bien l’existence d’une sélection qui ne dit pas son nom, mais omet de se demander si le niveau de certains étudiants est à la hauteur.
Ayant enseigné dix années à l’université, les dernières en qualité de professeur, nous pouvons témoigner du fait que l’écrémage se fait généralement dans les deux premières années. Le ministère de l’Enseignement supérieur s’en étant rendu compte, il a tenté par tous les moyens détournés de peser sur cette sélection hypocrite (moyens détournés car le principe de l’indépendance des enseignants du supérieur interdit par principe qu’on contrôle leurs notations…). Les petits bureaucrates du ministère se sont alors dit qu’il serait opportun de mieux alimenter financièrement certaines facultés si les taux de réussite étaient suffisamment élevés. Car, comme tout le monde le sait, si les étudiants échouent, la faute en incombe aux maîtres de conférences et aux professeurs des universités (sans doute du fait de leurs origines « bourgeoises »).
Voilà où mènent l’égalitarisme, la centralisation et l’interventionnisme. D’aucuns ont cru naïvement qu’en donnant le diplôme à tout le monde, en promouvant un véritable « droit aux études supérieures », on effacerait comme par enchantement les « inégalités sociales ». Mais on a en réalité déplacé et accru le problème. Lorsque le mérite ne sert plus à distinguer les individus, les passe-droits se multiplient.
Dès lors, les solutions découlent du constat. Entre autres : méritocratie, subsidiarité, recours au secteur privé lucratif et non lucratif.
7 commentaires
Aussi vrai que désespérant
Ou comment tirer tout le monde vers le bas !
Et un effet hautement pervert est que la facilité n’incitant pas à l’effort, cette politique entraîne une baisse du niveau général… constaté dans les classements internationaux !
Ces imbéciles, responsables de ce désastre, paieront ils un jour pour le mal immense qu’ils ont fait au peuple? Bien sur que non!
Ne pourrait on pas faire la liste des noms de tous ceux qui sont impliqués et la diffuser largement sur les réseaux sociaux? Mise à l’index des destructeurs de la nation!
“Lorsque le mérite ne sert plus à distinguer les individus, les passe-droits se multiplient.”
Le refus de la méritocratie conduit la République au retour à l’ancien régime; on revient aux régimes des privilèges de l’intelligentsia, des “nouvelles” aristocraties.
Il est est évident que l’égalitarisme a tout prix est une des causes qui a ruiné le système scolaire. Le bac est devenu un droit. Et donc tout le monde le veut même si tout le monde ne le mérite pas. Et pourquoi tout le monde irait à l’université ? Quel intérêt pour une societe de n’avoir que des « intellectuels « des universitaires ? Dont beaucoup ne serviront à rien car au final trop médiocres (et aigris ils grossiront les rangs gauchistes en réclamant à cor et à cris ce qu’ils n’auront pas été capables d’avoir par manque de réelles aptitudes) sans parler des filières impasses car ceux qui en sortent n’auront pas de travail. Avoir un bac et aller à l’université n’est pas un droit. Ça se mérite. Et heureusement que nous ne sommes pas tous faits pour faire la même chose car on a aussi besoin de bons boulangers, bouchers, garagistes, coiffeur (celui de Hollande gagnait plus que nombre de médecin ou d’avocats) cuisinier (vous êtes bien contents de manger dans de bons restaurants) pour cela il faut changer les mentalités (surtout des profs) et valoriser tous les choix professionnels car chacun forme la societe d’aujourd’hui et surtout de demain.
Fabrique du crétin qui tourne à plein régime en France avec un grand succès quand on voit le niveau des “élites” intoxiquées à la mamelle de l’Etat nounou, sans aucune imagination pour des solutions en dehors de la pensée unique de gauche “progressiste” et “écologiste”.
C’est navrant.
C’est plus facile de manipuler un peuple d’ignorants en leur faisant croire qu’ils sont intelligents .