En prenant le nom de Léon XIV, le nouveau pape a voulu s’inscrire notamment dans la lignée de Léon XIII. Mais la presse française s’est bien gardée de rappeler la teneur de la grande encyclique Rerum novarum de 1891.
Le nouveau Saint-Père sera donc le 14e de la longue lignée des papes dénommés Léon. A l’évidence, il a voulu tout particulièrement inscrire ses pas dans ceux de son illustre prédécesseur de la fin du XIXe siècle et du tout début du XXe. Mais la presse française s’est bien gardée de rappeler avec précision l’apport de Léon XIII et notamment de son encyclique Rerum novarum, la première exclusivement consacrée à la doctrine sociale de l’Eglise.
En effet, Le Monde (8 mai 2025) a indiqué que l’encyclique de 1891 traitait de la « condition ouvrière » et qu’elle reprochait « au capitalisme ses excès ». L’Humanité (9-11 mai 2025), dont on n’attendait certes pas grand-chose, a parlé d’une encyclique qui traitait des « conditions des ouvriers », de « la justice sociale et même des droits des travailleurs », tout en précisant que cela « ne l’avait pas empêché de rejeter le marxisme ». Dans Le Parisien (9 mai 2025), un « journaliste spécialiste de la papauté » a qualifié, non sans ambiguïté, Léon XIII de « pape le plus progressiste des temps modernes ». Même Le Figaro (7 mai 2025), qui a rappelé l’engagement de Léon XIII contre le socialisme, s’est référé au « catholicisme social, source de justice sociale ». Une mise au point s’impose.
Léon XIII a peut-être été le Saint-Père le plus versé dans l’économie politique (nous renvoyons à notre ouvrage Exception française, Odile Jacob, 2020, et plus précisément aux pages 308 et suivantes qui traitent de la doctrine sociale de l’Eglise). Lorsque le cardinal Pecci devient pape en 1878, il s’agit d’une divine surprise pour les libéraux puisque, l’année précédente, il a cité avec éloge le grand économiste Frédéric Bastiat dans une lettre pastorale. Le libéral belge Gustave de Molinari se réjouit de l’élection d’un « évêque économiste » pour succéder à des papes réactionnaires.
Toutefois, la lune de miel sera brève. Dès avant 1891, Léon XIII s’oppose à la séparation de l’Eglise et l’État et il rejette toute liberté « absolue ». Sa grande encyclique Rerum novarum sera commentée avec virulence par certains libéraux, tel le libre-penseur Yves Guyot, mais un écrivain autrement conservateur, Albert Schatz, interprétera de manière fort différente l’encyclique bien plus tard, en 1907, en y voyant un texte respectueux du libéralisme économique dont il ne remettrait en question aucun des principes.
Quoi qu’il en soit, Rerum novarum est une encyclique de haute tenue intellectuelle qui constitue une défense fervente du droit de propriété (un point de détail sans doute pour nos journalistes puisqu’il n’a pas été souligné) et une critique acerbe du socialisme (et pas simplement du marxisme comme a cru devoir l’écrire le quotidien communiste précédemment mentionné). Il faut y insister : les développements de Léon XIII sur ces deux points fondamentaux sont absolument remarquables. En ce sens, la doctrine sociale de l’Eglise ne saurait être une doctrine socialiste de l’Eglise. Puisse Léon XIV s’en inspirer.
4 commentaires
Le problème est que l’influence du Pape est de nos jours réduite à peu de choses. Sur le plan spirituel, il n’a de prise que sur une communauté déclinante de fervents catholiques. Quelle que soit son orientation politique, elle ne fera qu’alimenter la presse et les journalistes, dans un sens ou dans l’autre selon leur idéologie. Les conséquences matérielles et politiques de ses prises de position seront proches de zéro.
Bravo, cher Maître, pour ce bel article !
Je crois que la doctrine sociale de l’Église (DSÉ) est un trésor, malheureusement très peu connu, y compris par les clercs, notamment en ce qui concerne ce qu’elle dit de la liberté humaine :
“L’homme ne peut tendre au bien que dans la liberté que Dieu lui a donnée comme signe sublime de son image. […] La dignité de l’homme exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle, et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure.” (Compendium de la DSÉ, article 135).
” Tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit.” (Compendium 155).
” La société et l’État ne doivent pas contraindre une personne à agir contre sa conscience, ni l’empêcher d’agir en conformité à celle-ci.” (Compendium 421).
Je crois que ces phrases devraient être apprises par cœur par tous les catholiques (j’essaie de les faire connaître via Syndicatho – https://syndicatho.org). Cela aurait évité au prédécesseur de Léon XIV d’imposer les injections ARN messager au Vatican, où d’exercer une contrainte contre les tenants du rite extraordinaire de la liturgie, ou d’expliquer que les dirigeants politiques devaient imposer à leurs citoyens l’accueil des migrants.
Tres bon resumé de l état des lieux de notre chretienté en declin ! Stop a l accueil des migrants qui m ont fait quitter plusieurs messes eet assènés dans des églises differentes !!
Bonjour
Je vous remercie pour la qualité de votre article sur le Pape Léon et l’article sur l’Algérie de Mr DELSOL.
Je vais les imprimer.
Quant à nos journalistes nous en arriverons au dégoût.
Stop à la TV perverse de certaines chaînes publiques de désinformation.
Très cordialement
Jean Marc